LIGUE DE DEFENSE DES ALPILLES
03 février 2014
Notes sur la demande d’autorisation d’approfondissement en eau de la carrière Lafarge granulats sud
de Sénas Eyguières Pages 1/4
Remarques concernant la préservation des aquifères
Risques « connectifs »
L’hydrologie des 2 secteurs concernés révèle la présence de 2 aquifères au moins ( calcaires et marnes des Alpilles et la nappe Durancienne avec des micro-bassins peu étudiés et complexes) Les creusements peuvent connecter ou accélérer la connexion de(s) la nappe(s) la (les) plus faible(s) en amont à la nappe aval et ainsi abaisser le niveau moyen de(s) la nappe(s) amont créant ainsi un manque d’eau potentiel temporaire sur les puits en amont de la carrière ainsi que sur les puits en aval (remarquer la différence de 22 mètres entre le niveau des terrains à proximité immédiate de la carrière et le niveau d’extraction demandé par l’exploitant)
Risques qualitatifs:
L’exposition à l’air libre de l’aquifère va modifier les échanges thermiques air/eau et potentiellement créer des conditions propices à des contaminations bactériologiques et/ou chimiques. Les particules fines, les poussières et, de manière générale, tous les aérosols seront en contact direct avec l’eau de même que les effluents éventuels et accidentels de tous les véhicules et engins circulant dans l’enceinte de l’exploitation.
Il est à noter que les comités de suivi de 2010 et 2011 de la carrière Lafarge avaient révélé une pollution aux métaux lourds significative sur 4 piézomètres de la carrière. Le dossier d’enquête reste muet sur ces éléments indésirables détectés dès 2010. L’origine de cette contamination n’est absolument pas du fait de l’entreprise Lafarge mais vraisemblablement du fait de la percolation des eaux pluviales à travers l’ancienne décharge d’Eyguières située à l’ouest de la RD en amont de l’exploitation Lafarge actuelle.
Même si les eaux sont déviées par le fossé de la RD, une partie s’infiltre et rejoint le fond de la carrière.
Notes sur la demande d’autorisation d’approfondissement en eau
de la carrière Lafarge granulats sud de Sénas Eyguières page 2/4
En l’absence d’enquête sur l’origine de cette pollution mise en lumière par le comité de suivi de la carrière de Sénas, il semble bien prématuré d’autoriser l’exploitant à approfondir son exploitation jusqu’à exposer la nappe d’eau à l’air libre, ce qui retirera toute protection à l’aquifère, face aux ruissellements et aux percolations provenant de cette ancienne décharge.
De plus suite aux incendies de 2012, plusieurs piézomètres en amont de la carrière actuelle sont tombés en panne. De ce fait, le suivi des eaux récoltées sur la carrière actuelle n’a pu être aussi précis en 2013 qu’en 2011, notamment concernant celui des anomalies sur les teneurs en métaux lourds constatées en 2011.
Il est utile de rappeler que postérieurement à un incendie, le ruissellement de l’amont vers l’aval est accru car les végétaux et l’humus détruits ne jouent plus leur rôle dans la rétention d’eau pluviale.
Les lixiviats parvenant du massif des Alpilles dans l’ancienne décharge ont donc été en proportion des précipitations, plus importants en 2013 et avec eux, la percolation à travers les matériaux de comblement de l’ancienne décharge située sur le territoire d’Eyguières.
Selon toute vraisemblance donc, la carrière actuelle a récolté plus d’eau de pluie en provenance de cette ancienne décharge en 2013 qu’en 2011 avant le sinistre forestier.
L’étude hydrogéologique du dossier d’enquête affirme d’ailleurs « les variations de la nappe sont majoritairement influencées par les précipitations. »
Mais si le paragraphe 5 sur « la vulnérabilité de la nappe » ne mentionne pas les risques liés aux lixiviats provenant de l’ancienne décharge, la possibilité d’un épisode diluvien est évoquée. Le dossier d’enquête précise à leur propos « des eaux de ruissellement externe[en provenance de l’amont sont] canalisées vers un point bas situé au nord de la carrière » justement à proximité de 2 forages utilisés pour l’eau domestique et mentionnés comme tels dans le dossier d’enquête publique. (p.10)
Remarques concernant la préservation des aquifères (suite)
Notons également que l’étude hydrogéologique sur les circulations d’eau a été réalisée en 2011 avant l’incendie. Mais postérieurement à l’incendie, en 2013, les moyens de contrôle des teneurs en matières indésirables ont été moins nombreux qu’en 2011, dès lors comment affirmer qu’avec une carrière découverte et approfondie en eau, le risque de pollution sera faible ou limité?
Sur quels éléments scientifiques se fonde cette affirmation?
– 2 –
Notes sur la demande d’autorisation d’approfondissement en eau
de la carrière Lafarge granulats sud de Sénas Eyguières page 3/4
Dans le volume 2, le recensement des points de prélèvement est tronqué car il ne donne que 2 forages affectés à l’usage domestique. Mais l’adduction
d’eau de la ville de Sénas s’arrête au quartier Monplaisir et à la SOCOVA . Au delà, tous les forages « agricoles » sont en fait aussi des forages à usage
domestique puisque toutes ces habitations-dont le hameau de la Crau- n’ont pas l’eau de la ville de Sénas et n’ont que leurs puits pour toute ressource.
Il est à noter aussi que la ville d’Orgon pompe son EP dans la nappe en aval de l’exploitation actuelle.
Sur le comblement après exploitation :
Cette partie tient en quelques lignes seulement dans le dossier d’enquête: Il est prévu de combler le volume qui sera extrait (720 000 m 3) avec des résidus des carrières d’Oppède de granulométrie variable du dm3 au m3 pour les roches exogènes employées.
Comment sera contrôlée la qualité de ces matériaux supposés inertes?
Quelles seront les conditions de stockage avant leur acheminement à Sénas ?
Comment garantir qu’aucun élément indésirable ne sera venu souiller ces stériles exogènes?
La qualité de filtrage des eaux provenant de l’amont ne sera plus la même ; les remblais d’apport étant de la pierre avec une granulométrie irrégulière, le filtrage des eaux pluviales sera quasi inexistant et comme l’affirme avec raison le volume 3 du dossier « du fait de l’hétérogénéité du remblaiement, la perméabilité des zones remblayées n’est pas connue précisément ».
Risques quantitatifs
Creuser jusqu’à la côte 78 NGF peut modifier la circulation des eaux souterraines et tarir les puits les plus proches des zones exploitées.
Cela peut aussi en périphérie de nappe, provoquer un rabattement qui privera de ressource en eau certains riverains en amont des carrières.
Cela va modifier de façon non étudiée la capacité de rétention en eau du piémont Alpilles et donc impacter la ressource en eau localement. (cf supra)
La modélisation de rabattement des nappes a été construite d’après une étude sur un pompage prolongé de 42h 00 seulement et en l’absence de pompage des 2 entreprises proches de la carrière. Citons le document: « l’esquisse piézométrique a été réalisée en situation d’arrêt des 2 pompages industriels », le rabattement mesuré étant de 77 cm en moins de 2 jours de pompage en décembre 2011.
De plus le piézomètre utilisé était à une profondeur de 9 mètres alors qu’en page 21 les niveaux d’enlèvement de matériaux sont prévus à 9 m 50.
En comparant la courbe de rabattement simulé à celle du rabattement mesuré à la page 36 volume 3, on note que la baisse du niveau de la nappe a été plus rapide que prévu.
– 3 –
Notes sur la demande d’autorisation d’approfondissement en eau
de la carrière Lafarge granulats sud de Sénas Eyguières page 4/4
Dès lors comment être certain que l’approfondissement en eau n’aura qu’un impact faible sur la ressource en eau? Aucune étude menée en période estivale avec concomitance des 2 autres pompages n’est produite.
Remarques concernant les risques systémiques liés à l’eau
Sur la végétation
Avec l’approfondissement en eau de la carrière, le drainage du piémont des Alpilles pourra être accéléré et l’humidité des sols sur la colline modifiée avançant leur assèchement et retardant leur ré-humidification.
Ceci avancerait localement la date de risque d’incendie en saison sèche et retarderait le retour de la période sans risque.
Sur les espèces animales
Une libellule et un crapaud pélobate, très rares, ont été répertoriés sur le site ou à proximité immédiate et l’enjeu est fort pour le Pélodyte ponctué.
Ces espèces étant inféodées à la présence d’eau pour leur reproduction, les travaux dans l’eau ne favoriseront pas leur préservation car la mise en eau d’une grande surface ne préservera pas les mares modestes dans lesquelles ces animaux trouvent un lieu propice à leur reproduction.
Conclusion:
Pour ces raisons, nous vous demandons de donner un avis défavorable à cette demande d’autorisation d’approfondissement en eau de la carrière Lafarge Granulats de Sénas-Eyguières.
La charte régionale de l’eau qui affirme que « l’eau est un bien commun à préserver » et qu’il convient de « garantir aux générations futures une ressource de qualité » trouvera dans l’issue de cette enquête publique un témoignage de sa traduction en actes par les hommes et les femmes en charge de la gouvernance dans notre région.
Ligue de défense des Alpilles,